Même s'il cela est difficile à concevoir, seulement 10% des cellules de la peau, des intestins et des muqueuses de notre corps sont humaines. La majorité sont des cellules d’organismes microscopiques qui appartiennent au microbiote. Ces micro-organismes ne se contentent pas de vivre pacifiquement sur et dans notre organisme, mais jouent un rôle très important pour notre santé. Voici une ebauche de connaissances qui vous permettra de commencer à vous y retrouver.
C’est l’ensemble de tous les microbes étrangers qui habitent notre corps, surtout le système digestif et la peau. Ainsi, chaque centimètre carré de peau humaine contient environ un million de microorganismes de cent espèces différentes. Tous ensemble, ils forment le microbiote de la peau (traditionnellement appelé « flore » cutanée). Il s’agit d’un écosystème complexe, comparable à tout autre écosystème de la croûte terrestre. Nous savons aujourd’hui que notre peau a accueilli ces micro-organismes au long de milliers d’années d’évolution et que l’union entre nos propres cellules cutanées et ces invités minuscules aide notre peau à mener à bien sa fonction principale : servir de barrière protectrice.
Le microbiote contribue à maintenir le pH de la peau légèrement acide, entre 4,5 et 5. Dans cet environnement, tous les microorganismes survivent en équilibre permanent et dans des circonstances normales les espèces ne se détruisent pas entre elles. Ainsi la peau reste saine et peut nous défendre en permanence des agressions de l'extérieur.
Un projet nommé « microbiome humain » a pour but de découvrir les noms et prénoms des micro-organismes qui vivent dans notre corps par le biais de leur séquençage génétique, c’est-à-dire de leur ADN. Les chercheurs cherchent ainsi à comprendre comment ces micro-organismes interviennent dans la biologie humaine.
Sur notre peau, qui fait au total près de deux mètres carrés de superficie, les diverses espèces de ces minuscules colonisatrices préfèrent des zones particulières de la peau, suivant l'humidité, la salinité, la température, l'acidité (le pH), la sueur et la teneur en sébum. L’endroit de la peau où s’installe chaque espèce devient son habitat.
Par exemple, plusieurs espèces bactéries préfèrent coloniser des zones humides et souvent occluses, comme les aisselles, l'aine, le pli du coude, derrière les genoux et entre les orteils. En revanche, d’autres bactéries s’installent dans les zones sébacées (où la peau libère plus de sebum), comme le front, le dos ou derrière les oreilles.
Des champignons et des acariens aussi!
Outre les micro-organismes simples comme les bactéries et les virus, d’autres, plus complexes, vivent aussi sur la peau, comme des champignons et des acariens. Il y a quelques quatre-vingts espèces de champignons en principe inoffensifs. Néanmoins, si pour une raison quelconque l’un d’eux se mettait à proliférer, il pourrait causer des problèmes : la levure Malassezia, par exemple, déclenche les symptômes des pellicules du cuir chevelu.
Vivent également sur l’épiderme, en particulier à la racine des poils (follicules pileux) du visage, de minuscules arthropodes appelés Demodex folliculorum. Ils s’alimentent des peaux mortes et sont inoffensifs. Mais si l’équilibre de ces acariens est altéré, différentes complications peuvent faire leur apparition (folliculite, rosacée, conjonctivite, etc.).
Les zones les plus sèches de la peau, comme les avant-bras, les fesses et certaines parties des mains sont l’habitat de la plus grande variété d’espèces. Les champignons et les virus cohabitent avec les bactéries, parmi lesquelles se trouvent les actinobactéries, les protéobactéries et les endobactéries (firmicutes). Dans les zones humides, en revanche, ou dans les plus grasses, la variété des espèces est moindre, mais il y a une plus grande quantité d'individus. En outre, certains de ces micro-organismes sont itinérants : ils passent un certain temps dans une zone de la peau et émigrent ensuite à un autre endroit.
Ainsi, le microbiote cutané a développé une union et une collaboration étroites avec les cellules de notre peau. Les experts disent même que lorsque la peau n’est exposée qu’à une faible variété de micro-organismes de l’environnement, le système immunitaire s’affaiblit ou se déséquilibre. Il semblerait que les sociétés postindustrielles, avec leurs habitudes d’hygiène personnelle exagérée, n’aient fait que détériorer les relations symbiotiques entre notre peau et la flore microbienne.
Ces dernières années, les cas de maladies inflammatoires de la peau, comme les dermatites atopiques ou eczémas, ont triplé dans les pays industrialisés. Actuellement, l’on ne met plus en doute le fait que les modes de vie modernes appauvrissent notre microbiote et déclenchent ce type d'altérations allergiques ou inflammatoires chroniques de la peau.
Se laver avec une préparation riche en bactéries est la dernière invention dans le domaine des soins de la peau. L’idée est venue d’un industriel américain qui se demandait pourquoi son cheval se roulait dans la terre humide et sale de l'étable. Imprégner la peau et le poil de microorganismes est la méthode de nombreux mammifères en guise d’hygiène. Ainsi, ce biotechnologue américain, s’inspirant de la nature, a mis au point une préparation à base d’un type de bactéries habituel sur la peau. Lors d’une étude préliminaire, réalisée récemment, 26 volontaires sains se sont lavés uniquement avec cette préparation pendant un mois. Il semblerait que les résultats ne soient pas encore quantifiables pour pouvoir en tirer des conclusions.
La recherche dans le secteur cosméceutique évoluera prochainement vers la mise au point de produits qui nourriront selectivement et enrichiront microbiote avec des pré et des probiotiques par exemple. Les savons et les gels du futur ne « combattront » plus la « saleté » de la peau, mais « équilibreront nos colonies d’habitants ».