La peau de l’enfant est souvent imaginée comme la peau idéale. Ne rêvons nous pas « d’avoir une peau de bébé ». C’est parfois le cas, mais dans le même temps la peau de l’enfant est souvent sujette à des inflammations assez spécifiques de l’enfance comme l’impétigo, la dermatite atopique, l’érythème fessier par exemple. L’implication des bactéries dans ces problèmes de peau est connue depuis le début du siècle dernier. Cette connaissance de la microbiologie à conduit à adopter des règles d’hygiène très strictes en milieu médical comme familial ; se laver les mains avant de prendre ou toucher un enfant, désinfection du cordon ombilical, bain régulier etc… Ces mesures d’hygiène ont grandement contribué à réduire le risque d’infections cutanées chez les nouveaux nés dans nos pays occidentaux. Néanmoins, nous assistons depuis quelques dizaines d’années à une augmentation importante de l’incidence de la dermatite atopique. Une explication de ce phénomène est apportée par la théorie dite « hygiéniste » ; qui sous-entend que l’excès d’hygiène pourrait être la cause de cette augmentation des cas de dermatite atopique.
Cette théorie est basée sur la meilleure compréhension du rôle du microbiote cutané et notamment sur son rôle dans la modulation de la réaction inflammatoire. L’importance de la toute première colonisation de la peau du nouveau-né commence à être analysée et comprise. Ainsi, les naissances par césarienne, qui évitent à l’enfant de se trouver au contact des bactéries de la filière génitale, conduiraient à davantage d’asthme et d’atopie durant l’enfance. (1, 2)
Il est admis que les conditions de mise au monde des enfants vont influer directement sur la composition du microbiote cutanée du nouveau-né dans les 24 premières heures qui suivent la naissance. Les enfants nés par voie naturelle se recouvrent de bactéries semblables à celles du tractus génital de la mère, alors que les enfants nés par césarienne se couvrent de bactéries très similaires à celles du microbiote cutané de la mère. Ce microbiote va ensuite jouer un rôle clé sur la maturation des réactions du système immunitaire de l’enfant.
1. O Kolokotroni, N Middleton, M Gavatha, D Lamnisos, KN Priftis and PK Yiallouros, Asthma and atopy in children born by Caesarean section: Effect modification by family history of allergies—A population based cross-sectional study, BMC Pediatr 12 179 (2012)
2. CS Benn et al, Maternal vaginal microflora during pregnancy and the risk of asthma hospitalization and use of antiasthma medication in early childhood, J Allergy Clin Immunol 110(1) 72-77 (2002)
Une étude récente du Dr G. Cheema de l’hôpital Henry Ford de Detroit, rapporte que les enfants dont les mères avaient un chien pendant leur grossesse étaient significativement moins susceptibles de développer une dermatite atopique, ou de l'eczéma. A l'âge de 2 ans, les enfants ayant une exposition prénatale présentaient un risque réduit d'eczéma par rapport aux enfants dont les mères n'étaient pas exposées aux chiens durant leur maternité.
L’hypothèse du médecin est que le contact avec ces animaux auraient permis de modifier le microbiome infantile en développement.
A la naissance, l’enfant passe soudainement d’un milieu essentiellement fait d’eau à l’atmosphère sèche de notre environnement. Cette variation brutale nécessite que la peau s’adapte. Ce processus de maturation de la peau va ainsi s’étendre sur plusieurs années après la naissance pour aboutir à une structure, une composition, un mode de fonctionnement proche de celui de la peau de l’adulte. De manière toute particulière, la maturation de la fonction barrière physique de la peau, celle qui protège contre la pénétration d’agents extérieurs, se renforce ainsi progressivement au cours des premières années de vie.
Le microbiome, lui aussi subit des transformations avec l’acquisition d’une plus grande diversité. On y trouve des streptocoques, des staphylocoques epidermidis, des candida albicans, autant de microorganismes qui vont empêcher l’installation d’une flore pathogène.
Ainsi, il est très important que les produits d’hygiène utilisés sur la peau des nouveau-nés respectent le pH de la peau (entre 4 et 5) pour ne pas altérer ce microbiote.
Les microorganismes interagissent avec les cellules de la peau de différentes manières. La première interaction va consister à entrainer les cellules immunitaires en les exposant à leurs déterminants antigéniques (épitopes). Ensuite, les bactéries de la peau vont produire différentes substances qui vont avoir un effet bénéfique sur les barrières de la peau. Par exemple l’acide lactique produit par certaines bactéries du microbiote cutané va venir enrichir les facteurs naturels d’hydratation de la peau. Mais ce n’est pas tout, car ce même acide lactique produit par le microbiote va stimuler la multiplication des kératinocytes, favoriser la synthèse des céramides… le tout contribuant à renforcer la barrière physique de la peau de l’enfant.
Une étude récente a montré que lorsque des bactéries étaient apportées à de la peau en culture, leur virulence (capacité à être pathogène) dépendait de leur capacité à accéder aux couches vivantes de l’épiderme. Or les bonnes bactéries du microbiote occupant l’espace empêche les mauvaises bactéries d’accéder à l’épiderme vivant et forme une barrière protectrice de la peau.
La peau a également une autre manière de jouer son rôle barrière contre les bactéries indésirables. Elle sécrète de petites molécules antimicrobiennes (peptides et lipides antimicrobiens). C’est un des rôles attribué au Vernix Caseosa (substance blanchâtre dont la peau du nouveau-né est recouverte à la naissance) qui contrôle la colonisation bactérienne à la naissance grâce à la présence de molécules antimicrobienne en son sein.
On l’aura compris, la préservation du microbiote de la peau de l’enfant est déterminante pour sa maturation immunitaire. L’utilisation d’antiseptiques, de détergents et d’émollients est fréquente chez le nouveau-né dans le cadre de soins d’hygiène et en prévention de maladies de la peau. S’il est primordial de laver un enfant tous les jours, il est également important d’éviter une surexposition à ces produits pouvant être nocifs pour les microorganismes de la peau.
Les antiseptiques détruisent ou inhibent les microorganismes. Leur usage doit être limité et évité sur les peaux lésées.
Les produits moussants peuvent altérer les lipides de surface, s’ils sont utilisés trop souvent ou mal rincés. La quantité de mousse n’est pas synonyme de meilleure efficacité.
Les émollients enfin, aident à lutter contre la sécheresse de la peau. Ils ne doivent être utilisés que sur la peau non lésée en cas d’eczéma.
Pour finir, il faut se souvenir que les soins réguliers de la peau et les massages en particulier vont favoriser une transmission microbienne à la peau de l’enfant qui peut affecter le développement de son microbiote individuel.
Plus les connaissances avancent sur le microbiote de la peau, plus on réalise qu’il fait partie intégrante de la peau humaine et joue un rôle déterminant dans l’homéostasie de la peau (capacité à s’adapter à son environnement).
Le microbiote cutané du nourrisson peut affecter la santé du développement de la peau à mesure qu’elle se fait plus mature au cours des premières années de vie. Ainsi, l’attention portée à la peau de l’enfant est essentielle au cours des premières années de la vie.